mardi 31 mars 2015

Samedi 28 mars 2015

M. Séonnet (photo F. Danielczak)
Première rencontre littéraire avec comme invité Michel Séonnet, écrivain engagé tant sur le plan spirituel que politique. Nous le recevions pour la publication de son dernier roman Le pays que je te ferai voir publié aux Editions l’Amourier quelques mois plus tôt. Cet ouvrage, ainsi que deux ou trois autres de Michel Séonnet, avaient été lus et discutés par le comité de lecture Les Millefeuilles qui se réunit une fois par mois à la médiathèque, ce qui a permis à ses membres d’intervenir judicieusement au cours de la rencontre pour questionner l’auteur ou obtenir des précisions sur son œuvre. 
Le pays que je te ferai voir raconte l’histoire de Louise Laugier qui, la cinquantaine venue, décide de retrouver trace de son père, adjudant de l’armée française, disparu en 1952 en Indochine. Toutefois, ce n’est pas dans ce pays qu’elle se rend mais au Maroc où vivent encore quelques-uns des Goumiers (soldats marocains engagés dans l’armée française) que commandait son père. Comme souvent dans les livres de Michel Séonnet, la trame fictionnelle permet de dire le réel des paysages et des hommes qui y vivent, la beauté mais aussi la pauvreté, la grandeur mais aussi la misère. C’est ainsi que dans un style très travaillé, aux phrases amples et musicales, il nous donne à voir des décors qui sont souvent le verso des cartes postales touristiques et  fait se croiser l’histoire de Louise avec la grande Histoire, passée et présente : faillite des guerres coloniales et drame de la migration de jeunes gens forcés de s’en remettre à des passeurs mafieux pour rallier les côtes de la riche Europe.

M. Séonnet & J.-F. Piquet (photo F. Danielczak)
Michel Séonnet a lu plusieurs extraits de son livre et c’est toujours bonheur et étonnement d’entendre comment un auteur appréhende son propre texte, quel rythme, quelle respiration il lui donne.
Un livre exigeant, mais très accessible, bien sûr disponible à la médiathèque, comme plusieurs autres titres du même auteur.  




Pendant ce temps, alors que nous évoquions le voyage de Louise au Maroc, une grande manifestation contre le terrorisme se préparait en Tunisie : François Hollande et Mahmoud Habbas seraient dans le cortège.  

mardi 24 mars 2015

Paroles d'auteur : Michel Séonnet

Dans le cadre de la résidence, Jacques-François Piquet anime une lecture-rencontre avec l’écrivain Michel Séonnet à l’occasion de la parution de son dernier livre en date : "Le pays que je te ferai voir" (Editions l’Amourier).

Ce sera samedi 28 mars 2015, à 17h, à la médiathèque.
Au plaisir de vous y retrouver.

Dimanche 22 mars 2015

Deuxième causerie dominicale dont l’intitulé « Écrire le monde » ouvrait tant de possibles et sonnait si abscons que Françoise n’en dormit point pendant des nuits et s’interrogea à moult reprises entre deux émissions de Radio Suisse Romande : mais de quoi va-t-il donc nous causer ? Sans être justifiée son inquiétude n’en était pas moins compréhensible, car cette question nourrit chez moi une réflexion inaboutie, car en constante évolution, que j’ai souhaité partager lors de cette causerie bien que la sachant difficilement formulable.
J’aurais pu citer Edouard Glissant en préambule : « Écrire c’est dire le monde », et discourir à ce sujet, mais ce n’était pas mon propos. J’aurais pu parler de ce regain d’intérêt que manifestent nombre de romanciers contemporains à l’égard des affaires du monde, mais ce n’était pas là non plus mon propos. J’ai préféré m’appuyer sur Georges Perec et son intérêt pour un « infra-ordinaire » négligé ; aller plus loin avec Peter Handke et son expérience relatée dans Le poids du monde, qui consistait à « réagir par la langue » à tout ce qui lui arrivait jusqu’à se rendre compte que cette langue devenait, le temps de l’écriture, vivante et communicable ; enfin citer le poète Bernard Noël qui dit que « l’écriture de notation saisit le monde tel celui qui écrit le perçoit » ajoutant que « la vue n’est pas un constat mais une lecture ». Car c’est précisément à ce dernier terme que je voulais arriver : lecture. Oui, lire le monde pour l’écrire. Et opter pour une écriture de notation (fragments, instantanées, courtes scènes) à la portée de tous - plutôt que pour le récit ou le roman réservé à certains - afin d’écrire le monde qui nous entoure et tenter par là de le décrypter, de le nommer et d’en faire affleurer sens et poésie. La démarche d’Annie Ernaux dans Journal du dehors et La vie extérieure (Annie Ernaux qui dit « mettre en mots le monde ») ne pouvait que retenir mon attention et je m’y suis attardé en l’illustrant de plusieurs extraits.
Écrire le monde qui nous entoure, dans son ordinaire et sa banalité, c’est aiguiser son regard en apprenant à voir ce qu’on ne voit pas ou plus, c’est donner existence au fugace qui nous traverse, c’est découvrir du sens et de la poésie là où on ne s’attendait pas à en trouver, c’est enfin mieux se comprendre dans son propre rapport au monde. Quand Annie Ernaux se demande ce qui la pousse à noter « les gestes, les attitudes, les paroles de gens » qu’elle rencontre dans le RER, elle en vient à conclure que peut-être qu’elle cherche « quelque chose sur elle à travers eux ». Ainsi l’enjeu d’écrire le monde réside-t-il aussi dans la réflexion qu’il induit sur ce que nous sommes et où nous nous situons sur la vaste scène de ce monde que Shakespeare comparait à un théâtre.
Pour clore cette causerie, j’ai voulu parler d’une expérience d’écriture du monde qui avait été mienne il y a dix ans et procédait d’une tout autre démarche, à savoir utiliser les faits d’actualité (conflits, catastrophes naturels, faits divers, etc.) comme matériau premier de textes se voulant de facture poétique, c’est-à-dire, écrits dans une langue travaillée et souvent percutante. Cela a donné le recueil Que fait-on du monde ? qui sera bientôt réédité dans une version revue et augmentée. Pour faire plaisir à Françoise qui aime beaucoup James Joyce, mais aussi parce qu’aujourd’hui était jour d’élections, j’ai lu le court texte intitulé Saint-Pétersbourg, lequel se clôt sur cette citation tirée de « Ulysse » : L’Histoire, Madame, est un cauchemar dont je ne parviens pas à m’éveiller.



Pendant ce temps, c’était printemps froid dehors et dedans : on votait pour un parti qui prône la méfiance de l’autre et le repli sur soi, mais on en reviendrait, Madame, je vous l’assure, car cette voie-là est sans issue, l’Histoire l’a prouvé et même si cauchemar, on finit toujours par s’en éveiller. 


Samedi 21 mars 2015



Pour le deuxième volet de l’atelier « approche de la poésie », ce sont quelques-unes des Villes invisibles d’Italo Calvino que nous avons visitées. Pour ceux qui ne connaissent pas l’ouvrage, disons simplement que chacune de ces villes imaginaires décrites par Marco Polo au grand Kublai Khan illustre de manière allégorique ou métaphorique un thème tel que le regard, l’échange, la mémoire, la mort ou encore le désir. L’inventivité et la beauté des quelque cinquante textes qui composent le livre en font des poèmes en prose de facture originale qu’on lit et relit sans se lasser et s’en en épuiser le sens.
Au cours de la séance d’atelier précédente, j’avais demandé à chacun des participants de glisser un nom inventé parmi ceux des villes évoqués lors de la création d’un texte librement inspiré du poème Zone d’Apollinaire. Partant de là, il allait de soi que ce nom deviendrait celui d’une « ville invisible », laquelle, thème de la résidence oblige, dirait « le temps qui passe » par un jeu de descriptions, de suggestions, d’allusions, d’images, etc. dont je savais chacun capable. Et la lecture en fin de séance me l’a prouvé. D’ailleurs, après tant d’années de pratique d’atelier, s’il est une chose qui ne cesse de m’étonner – surtout à partir de telles propositions d’écriture qui constituent en quelque sorte « mes » classiques, même si je ne les ai pas inventées, tout au plus adaptées à mon goût et à mes références – c’est la capacité de chacun à convoquer son pouvoir d’imagination pour produire en un temps donné un texte porteur de richesses. Le jour où cet étonnement ne sera plus, j’arrêterai d’animer des ateliers d’écriture et j’irai pêcher le gardon dans la Juine. Mais nul doute alors que je serai très vieux, dur d’oreille, faible des yeux, peut-être mou du cerveau… et donc inapte à la pêche !   

Les textes se trouvent ici.

jeudi 19 mars 2015

Samedi 14 mars 2015

 Le mot « poésie » ferait-il si peur que notre atelier d’ordinaire complet compte trois chaises vides en ce samedi de fin d’hiver ? Renverrait-il chacun à de mauvais souvenirs scolaires, au malaise parfois ressenti face à un genre difficile pour ne pas dire abscons, qu’on se sait trop définir tant il évolue et fraye avec d’autres genres parfois peu fréquentables - d’ailleurs les poètes eux-mêmes le sauraient-il ? Si pour M. Jourdain les choses étaient claires, la déduction inverse qui voudrait que tout ce qui n’est pas prose est poésie n’est pas recevable. Alors, c’est quoi la poésie ? Vaste débat qui pourrait occuper une commission d’Immortels pendant des siècles… Seulement voilà, nous, en l’occurrence moi, puisque c’est moi qui ai proposé ce thème d’atelier, eh bien je ne suis pas Immortel (du moins pas encore et m’étonne à ce propos qu’aucuns de mes chers amis n’ait proposé mon nom à l’Académie) et je n’ai pas des siècles à consacrer à la question, tout juste quelques minutes, préférant écrire ou faire écrire la poésie plutôt que d’essayer de la définir.
Et si la poésie, tenté-je, était affaire de regard que l’on porte sur le monde et sur soi ? Et si la poésie était travail sur la langue pour exprimer ce regard ? Et si la poésie était image et musique ? Et si la poésie était tout cela à la fois et permettait de dire l’indicible avec peu de mots ? En formulant ces hypothèses, j’ai bien conscience quant à moi de ne pas dire grand-chose mais il faut bien que je présente ma séance d’atelier aux dix personnes rassemblées pour l’occasion autour des tables disposées en enfilade dans la médiathèque… Par ailleurs convaincu qu’à la différence d’autres genres – récit bref, conte ou nouvelle - une écriture poétique ne s’improvise pas en atelier, je conseille à chacun une trame « à la manière de », en l’occurrence le long poème d’Apollinaire intitulé Zone et le recours à une ou plusieurs anaphores présentes dans le texte ou par soi inventées afin de conférer quelque rythme au texte. Que les lecteurs de cette introduction qui ne me comprennent pas se rassurent, moi-même éprouve à l’instant présent le sentiment trouble d’être confus, bavard et pour tout dire « langue-de-boiteux ». Heureusement, les dix personnes autour de la table sont, elles, très fines et très désireuses de s’exprimer, et n’attendent qu’une chose qu’aucune n’exprime, car toutes bien élevées : mais de grâce qu’il se taise qu’on puisse enfin écrire ! Dont acte…

mardi 10 mars 2015

Lundi 9 mars 2015



Peste soit le beau temps qui nous a privés de leur présence ! Où sont les froidures de mars, les giboulées promises ? Car combien étaient-ils – dix, vingt, cent ? - à courir les sentiers, à prendre le soleil dans leur jardin quand nous les attendions à la médiathèque pour assister à la lecture de mon monologue "L’heure avant l’heure" par la comédienne Roberte Lamy ? Inutile de préciser que nous avons noté le nom des absents et que forcément, sanction oblige, on ne les invitera peut-être pas à la prochaine manifestation*. Surtout si le temps est exécrable… Heureusement, une trentaine de personnes – allergiques au soleil ou indifférentes au climat ? - étaient là et je pense qu’elles ont apprécié la prestation de Roberte, une lecture très habitée d’un texte écrit à son intention et qu’elle a créé sur scène avec la compagnie La Douce Amère il y a quelques années. De le reprendre aujourd’hui sans l’artifice d’une mise en scène, sans le support d’un jeu de lumière et d’une bande-son constituait une sorte de gageure que Roberte a relevée avec brio en nous offrant une autre lecture du texte, plus attentive à la musicalité des mots, aux inflexions de la voix et aux silences. L’auteur que je suis a apprécié, car être lu et bien lu est ressenti non seulement comme une marque de respect mais comme un geste fort d’amitié, presque d’amour.

 
Que dit ce monologue si ce n’est  le parcours d’une femme et comédienne que la vie et les hommes
ont un peu malmenée mais qui s’en est malgré tout bien tirée puisqu’au final elle a trouvé sa place sur la grande scène du monde ? Pas d’amertume, jamais, mais de l’humour et de l’amour ! En ce jour dédié aux Droits des Femmes, il nous semblait approprié de faire entendre ce texte souriant et optimiste – il en est tant d’autres qui disent la violence et l’oppression… 

 
    
* "On" vous invitera quand même...


 Pendant ce temps, ici et là dans le monde, on célébrait la Journée des droits des femmes. C’est ainsi que près de 10 000 femmes marocaines ont défilé dans les rues de Rabat pour réclamer plus de parité et dénoncer les propos sexistes de leur chef de gouvernement. Chapeau, Mesdames ! C’est ainsi que le 6 mars une vingtaine d’hommes afghans ont défilé dans les rues de Kaboul revêtus d’une burqa en vue d’afficher leur solidarité avec les femmes obligées de s’habiller ainsi pour satisfaire aux Talibans et à leur régime répressif. Chapeau, Messieurs ! C’est ainsi que le 21 février un groupe d’hommes a manifesté en jupe dans les rues d’Istanbul pour dénoncer les violences faites aux femmes. Chapeau, Messieurs ! C’est ainsi qu’hier la municipalité de Brunoy en Essonne a organisé une journée de la femme avec au programme un atelier « Conseil beauté », une « danse des filles », un « défilé de mode et accessoires », le tout heureusement relevé par un atelier d’écriture où les femmes ont pu témoigner… Mais témoigner de quoi ? De leur condition de femmes objets de tous les désirs, obligées de réussir leur maquillage, de se trémousser en rythme, de défiler en tenues affriolantes ? No comment ! Mesdames.