vendredi 26 juin 2015

Lectures au château : textes en chantier de Jacques-François Piquet

Samedi 30 mai dernier, Jacques-François Piquet nous avait convié à la lecture de deux de ses textes non encore publiés. 
Le premier, "Vers la mer, chant d'amour et d'adieu", est un long poème en prose, déjà très abouti. Le comédien Nicolas Piot en a fait une lecture lyrique qui s'accordait bien avec la sensualité du propos et l'écriture toute en émotion retenue et très maîtrisée.La beauté du texte a subjugué l'auditoire.
Le deuxième texte était un extrait d'une pièce de théâtre, "Tombé du ciel", lu par l'auteur lui-même. Et là,  Jacques-François Piquet s'est livré à un exercice particulièrement périlleux, puisqu'il soumettait à notre critique un texte réellement en chantier. Exercice dangereux sans doute pour l'écrivain, mais passionnant pour le lecteur à qui on entrouvrait les coulisses d'une oeuvre à devenir.

Ce fut un bel après-midi littéraire : merci à Jacques-François d'avoir accepté de s'exposer ainsi aux regards des lecteurs.
Et ce fut un bel après-midi grandvertois car les lectures ont résonné juste, sous les lambris de l'ancienne bibliothèque du Château de La Saussaye : merci à Jean-Claude Quintard, maire de Vert-le-Grand, et à Nicole Sergent, élue à la Culture, de nous avoir ouvert exceptionnellement le Château.

Voir aussi l'article de l'auteur : "Présenter une oeuvre en chantier" .

mercredi 24 juin 2015

"Conférence en forme de poire"


Ce spectacle au titre aussi loufoque que ceux des pièces du musicien Erik Satie – et ce n’est pas par hasard ! - a été écrit par Olivier Salon et Martin Granger, tous deux œuvrant dans la mouvance de l’Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle, collectif créé par Raymond Queneau dans les années 70), et mis en scène par Benoît Richter. Il y est question du temps, bien entendu, puisque c’est le thème de ma résidence d’écrivain et que ce spectacle en fait partie, mais d’un temps que les technocrates voudraient compresser au maximum afin d’optimiser nos journées et par là nous amener à consommer davantage. Démonstration à partir de la première des Trois Gymnopédies d’Erik Satie dont une machine sophistiquée va extraire la quintessence en neuf mesures et une interprétation n’excédant pas trente secondes : « C’est mieux ainsi, dit le jeune technocrate à propos du morceau qui ne ressemble plus à rien et se termine sur une note esseulée, car on a envie d’acheter la suite ! » Il se dira par ailleurs satisfait que la mélodie puisse désormais être utilisée comme sonnerie de téléphone portable !
 Sur ce débat absurde que la musique mais aussi les livres pourraient être ainsi réduits à leur strict essentiel, les deux comédiens s’affrontent et pour nous, public, c’est un bonheur de drôlerie, de finesse et d’intelligence. C’était la première fois qu’ils jouaient ce spectacle ailleurs que dans un théâtre : non seulement ils ont su, grâce à Benoît, tirer le meilleur parti de la médiathèque, mais, du fait de l’absence de projecteurs qui d’ordinaire les isolent sur scène, ils ont joué de la proximité avec le public au point de se laisser aller à quelques improvisations réjouissantes. Nos rires francs et sonores ont exprimé notre plaisir pendant une bonne heure qu’aucun de nous n’aurait voulu voir compresser ! 

Entretien avec Olivier Salon :


 

Voir aussi les jeudis de l'Oulipo : Morceaux en forme de poire (12 avril 2012, BnF)


mardi 23 juin 2015

Rencontre avec Christiane Veschambre

  
Quelle meilleure introduction à l’œuvre de Christiane Veschambre qu’une lecture par l’auteure elle-même, d’abord des Mots pauvres, pendant une dizaine de minutes, puis, plus tard dans la soirée, de Versailles Chantiers, son dernier ouvrage en date ? L’autre matin je me suis réveillée muette… C’est ainsi, sans afféterie, d’une voix claire et douce, que Christiane Veschambre nous a fait entrer dans son livre et partager son aventure intérieure. Le silence dans la salle était impressionnant, si j’osais, je parlerais d’un moment de communion tant chacun se laissait pénétrer par les mots, les images, les scènes de ce poème narratif qui dit le refus de « la parole gangrenée par le faux, l’emprunté, la parole ennemie de toute vérité qui me soit propre » et de là l’impérieuse nécessité de trouver sa « voix singulière ». Quand est venu le temps des questions, nous avons pu remarquer combien Christiane Veschambre veillait à répondre avec précision, n’hésitant pas à marquer un silence pour trouver le bon mot, le mot juste. Car dira-t-elle au détour d’une phrase, il existe une « parole toute faite » et, parfois, « ce qu’on nomme littérature peut être une parole toute faite ». La sienne, assurément, ne l’est pas.
   

Après une brève présentation de son recueil Robert & Joséphine, qui retrace en de brefs poèmes écrits dans une langue simple, presque enfantine, l’histoire de ses parents (Je n’ai jamais su regarder mon enfance avec simplicité, est-il dit dans Les mots pauvres ; douze ans plus tard, c’est donc chose faite), Christiane Veschambre nous a donné à entendre quelques pages de Versailles Chantiers qui revient sur cette même histoire mais en la situant dans le temps et dans l’espace. Le lieu titre de l’ouvrage en devient alors scène de théâtre où se joue la grande histoire de Louis XIV à nos jours, où se croisent et se recroisent divers personnages dont un certain André A. et une certaine Christiane V. qu’il nous est aujourd’hui facile de reconnaître. C’est un récit touchant, composé de brefs fragments dont certains, pertinemment nommés « traverses », sont autant d’ouvertures sur ce qui se joue « hors-scène » - rêve, coïncidence et observation du monde – et artistiquement éclairé par les photographies de Juliette Agnel.
    Avant de parler, il faudrait recueillir dans l’obscurité des paumes refermées sur les yeux le goutte-à-goutte des mots pauvres, étrécis, des mots sans élan, peureux, le goutte-à-goutte des petits mots d’où s’absente toute grâce.
    Merci, Christiane, de nous aider à parler plus juste et plus beau.




"Les mots pauvres" de Christiane Veschambre from Médiathèque de Vert-le-Grand on Vimeo.

                                                                  *
 Pendant ce temps, loin de Vert-le-Grand et de Versailles Chantiers, certains s’affrontent sur des courts de terre battue, d’autres au cours de guerres sans fin qui rougissent  la terre et la font ressembler à celle de Roland-Garros.